Jessica s’est laissée tomber sur le canapé.

• Vous savez quoi, les filles ? Ben finalement, il est pas divorcé.
• Ah, ben ça ! On te l’avait dit. On te l’avait pas dit ?
• Oui, mais il va le faire. Il va engager la procédure.
• Quand ? Il t’a dit quand ?
• Bientôt. Il m’a promis.

Pauline et Chloé ont éclaté de rire.

• Ben, voyons ! Tu veux qu’on te dise ce qui va se passer ? On le connaît, le truc, depuis le temps. Il va te lanterner tant et plus. Jusqu’à ce que sa femme soit sortie de sa dépression nerveuse. Ça la tuerait, la pauvre ! Ou que les enfants soient grands. Qu’ils soient autonomes. Qu’ils n’aient plus besoin de lui. Ou que la maison soit finie de payer. Ça le mettrait dans une situation pas possible. Ou tout ça à la fois. Il aura toujours tout un tas de bonnes raisons. Mais il divorcera pas. Il divorcera jamais. Il n’en a jamais eu et il n’en aura jamais l’intention.

• Oui, mais à ce qu’il me dit, sa femme…

• Est la pire des mégères. Et lui rend la vie impossible. Évidemment, il va pas prétendre le contraire. S’il veut que tu gardes espoir… Non, sur ces sites de rencontre, ce qu’ils cherchent, les trois quarts des mecs, c’est une maîtresse qui les sorte un peu de leur quotidien et à qui ils font miroiter autre chose pour pouvoir arriver à leurs fins. Une maîtresse, quand c’est pas plusieurs…

• Mais c’est dégueulasse !

• Ça, on te le fait pas dire. Mais, malheureusement, c’est comme ça !

2-

Elle avait quand même du mal à y croire, Jessica.

• Parce que vous verriez comment il est tendre avec moi. Tout doux. Tout amoureux.
• C’est quoi, son pseudo ?
• Loup solitaire. Pourquoi ?
• Qu’est-ce tu paries qu’il est toujours en chasse, ce loup-là ?
• Oh, quand même pas, non.
• On va voir…

Et Pauline lui a envoyé un message. Auquel il a presque aussitôt répondu. Jessica n’en croyait pas ses yeux.

• Non, mais c’est pas vrai ! C’est pas vrai !

Elle n’était pas au bout de ses surprises. Parce qu’il s’est prétendu pharmacien.

• Hein ? Mais il est inspecteur de police.
• T’as vérifié ?
• Ben non, mais…

Chloé a tranché.

• Il n’est sans doute ni l’un ni l’autre.

Il s’est dit divorcé.

• Là, par contre, je vais avoir droit au même scénario que toi.

Il a très vite voulu une rencontre. Pour voir s’ils avaient des atomes crochus.

• Là, il faut traduire : que je voie si t’es baisable. Pas la peine que je perde mon temps sinon…

Et ils se sont donné rendez-vous, pour déjeuner, sur une aire d’autoroute.

• Alors ça s’est passé comment ?
• Oh, ben il a parlé de lui. Uniquement et exclusivement de lui.
• Comme la plupart des mecs.
• Histoire de m’en foutre plein la vue. Il est le plus beau. Le plus intelligent. Le plus cultivé. Le plus tolérant. Le plus sportif. Le plus tout, quoi ! Ce qui ne l’a pas empêché de me trouver à son goût. Il veut qu’on se revoie.

Chloé, de son côté, n’avait pas perdu son temps.

• Quand il t’a quittée, je l’ai discrètement suivi. Jusque chez lui. Elle est coiffeuse à domicile, sa femme. Même qu’il y a une pub sur la boîte aux lettres avec son 06. Je l’ai relevé. À toutes fins utiles.
• Excellente initiative !

3-

Bon, mais c’était pas tout ça ! Elle aussi, elle allait s’y coller, Chloé.

• Il y a pas de raison !

Et elle est entrée en action. Pour elle, il a été un grand créateur d’entreprises. Qui montait une affaire et la revendait aussitôt qu’elle était opérationnelle. Une bonne douzaine, il en avait déjà à son actif.

• Eh, ben dis donc ! À toi, il te sort le grand jeu.
• C’est plutôt qu’il me croit encore plus conne que vous.

Elle aussi, elle l’a rencontré.

• Et alors ?
• Et alors il a été on ne peut plus clair. Il me passerait bien à la casserole. Dans les plus brefs délais.

Jessica n’en revenait pas.

• Non, mais quelle espèce de petite saloperie !
• Il serait peut-être temps de lui donner une bonne leçon, non, vous croyez pas ?
• Ah, oui ! Oui. Cette fois, oui. C’est amplement mérité.

Et elle lui a donné rendez-vous dans la chambre de l’hôtel où ils avaient leurs habitudes. Où elles sont allées l’attendre toutes les trois. Quand il est entré, qu’il les a vues, il s’est figé, stupéfait.

• Mais qu’est-ce que ?

Avant de s’efforcer de reprendre la main.

• Je vais vous expliquer…
• Tu vas nous expliquer quoi ? Que t’avais envie d’un plan à quatre ?
• Mais non, mais…
• Ou à cinq ? Avec ta femme. Peut-être qu’elle aimerait ?
• Oui. Sûrement, même. Attends, je l’appelle.

Et Chloé a sorti son portable.

• Vous allez pas faire ça !
• Bien sûr que si ! Je vais me gêner…

Elle le lui a montré. Il y a jeté un coup d’œil.

• C’est bien le bon numéro ? Je me trompe pas ?
• Oui. Non, mais attendez ! Je vais vous expliquer.
• Encore ! Nous expliquer quoi ? Que t’es un gros salopard ?
• C’est pas si simple !

Pauline a pris le relais.

• Oh, si, c’est simple ! C’est même très simple. Ou bien tu te mets le cul à l’air. Qu’on te donne la fessée qu’a méritée le vilain garnement que tu es ou bien on appelle bobonne.

Il s’est décomposé.

• Vous pouvez pas me demander ça !
• Bien sûr que si qu’on peut. La preuve : on est en train de le faire. Allez, déculotte-toi ! Dépêche-toi ! On n’a pas que ça à faire. Non ? Bon.

Et Chloé a composé le numéro.

• Ça sonne.
• Raccroche ! Raccroche ! - À poil, alors !

Il a encore hésité.

• Allô…

Comment il l’a fait dégringoler, le falzar…

• Raccroche ! Raccroche !

Pauline a tiré une chaise. S’y est installée.

• Viens là ! Plus près ! Ton slip !

Il a soupiré. Et il l’a baissé. Jusque sur les mollets. Elle l’a saisi par le bras, fait basculer en travers de ses genoux.

Elle a lancé une première claque. Pas très fort. Une autre. Une dizaine. Ça s’est brusquement emballé. De plus en plus fort. De plus en plus vite. Chloé a chuchoté à l’oreille de Jessica.

• Elle y prend goût, on dirait.

Elle y prenait goût, oui, c’était clair.

• Et elle a la main lourde. Comment ça le lui met rouge !

Il a commencé à gigoter, à se soulever du derrière et à piauler. Tout un tas d’espèces de borborygmes plaintifs d’arrière-gorge. Elle ne s’est pas arrêtée pour autant. Au contraire. Elle a encore accentué l’intensité et la force des coups. Il a supplié.

• Assez ! Assez ! Je vous en supplie.

Encore une vingtaine de claques.

• Là ! Ce sera tout. Pour aujourd’hui. Pour aujourd’hui, oui. Parce qu’on est appelés à se revoir. La prochaine fois, ce sera Chloé qui s’occupera de ton cas. Et celle d’après Jessica.

Il s’est reculotté. Sans un mot. En leur tournant le dos. Et il s’est enfui. Il avait à peine refermé la porte qu’elles sont parties, toutes les trois, d’un gigantesque fou rire.

• Comment il était vexé !
• Il y a de quoi !
• On va quand même pas le plaindre !
• Sûrement pas, non !
• Bon. Et c’est quand qu’on le fait revenir ?

Pauline a proposé.

• Demain ? Une autre fessée, par-dessus celle-là, comment il devrait la sentir passer…

Elles ont fait chorus.

• Oh, oui ! Demain, oui !

Et Chloé a conclu.

• Ce sera mon tour alors ? Comment j’ai hâte !

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